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basculer pour revenir sur la page IL QUARTO STATO (1907) // ÉLAN ET ÉLÉGIE (2009)
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de la peinture à la vidéo.

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On peut voir Élan et Élégie comme un tableau ayant pris vie.
L’œuvre est basée sur une peinture de l’artiste italien Giuseppe Pellizza Da Volpedo, Il Quarto Stato, qui se trouve à la Pinacoteca di Brera à Milan, et dont le sujet touche particulièrement Lorena Zilleruelo. Les élèves du collège St Thomas discutent des différences entre le tableau original et l’installation vidéo.
voirlasuite

Cette marche est un acte de révolte et/ou d’émancipation. Cette révolte a pour objectif de montrer le visage de celui qui est souvent anonyme. Je voudrais transposer cette marche à notre temps, montrant une foule des personnes évoluer dans la scène de l’image.

― Lorena Zilleruelo
legendeDIAPORAMA GIUSEPPE PELLIZZA DA VOLPEDO // IL QUARTO STATO (1907)

Pour faire vivre ce tableau et le
réactualiser, Lorena a effectué un
important travail de reconstitution.

Elle reprend la position des personnages du tableau et leurs mouvements, mais aussi la composition : ce qu’on voit dans le cadre de l’image.
Il s’agit de ce qu’on appelle au cinéma un plan d’ensemble, les personnages sont visibles en entier, et l’on voit une partie du décor qui les entoure.
Dans le tableau original comme dans Élan et Élégie, la composition est très symétrique. Trois personnages au centre se détachent de la foule du fond. Les personnages nous font face.

Compare l’œuvre de Lorena Zilleruelo avec celle de Giuseppe Pellizza da Volpedo

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Retourne ton appareil pour confronter les deux œuvres.

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legendeIL QUARTO STATO (1907) // ÉLAN ET ÉLÉGIE (2009)
Conçue pour être présentée dans une grande pièce plongée dans l’obscurité, la vidéo Élan et Élégie est projetée sur un mur de 5m43 sur 2m85. Les visiteurs qui se trouvent dans la pièce sont donc face à une image assez monumentale. Des capteurs permettent le déclenchement de mouvements dans la vidéo, figée en l’absence de visiteurs. La scène devient un tableau animé. Le visiteur fait face à une foule à échelle humaine qui avance vers lui,

ce qui l’implique dans
la scène.

La scène sera en perpétuel mouvement.
Ces mouvements seront très infimes, comme si les personnages posaient, mais, au même temps ils vont avancer.

― Lorena Zilleruelo
legendeLorena Zilleruelo briefe l’équipe des acteurs sur le tournage d’Elan et Elégie.
Photo : Julie Cohen

La vidéo est projetée au ralenti.

Ainsi, elle garde malgré tout un aspect très proche de celui d’un tableau. Les mouvements sont exagérés, le moindre geste est sublimé, chaque pas effectué par les personnages a une importance.
La vidéo n’est pas documentaire, car il s’agit d’une mise en scène, le ralenti donne à l’action de ces personnages la grandeur d’une peinture historique, d’un moment crucial.
legendeVue de l'installation Élan et Elégie dans l'exposition Panorama 11
Un archipel d'expériences en 2009.

La reprise.

A travers l’histoire de l’art, de nombreux artistes se sont inspirés les uns des autres pour reprendre un sujet, un thème, ou la composition d’un tableau ou d’une sculpture.
legende Henri Cartier-Bresson, Derrière la Gare Saint-Lazarre (1932) Collection Frac Nord - Pas de Calais // Isabelle LE MINH, Série Trop tôt, trop tard (After Henri Cartier-Bresson) (2007) Fonds documentaire, FRAC Nord - Pas de Calais
legende Titien, la Venus d’Urbin (1534)
// edouard manet, Olympia (1863)
Avec l’arrivée de nouveaux moyens techniques, les artistes ont aussi utilisé la photographie, la vidéo, et bien d’autres médiums. Certains reprennent une œuvre célèbre par admiration ou fascination envers l’œuvre originale, parce qu’ils trouvent l’image très forte, pour la réactualiser, ou parfois dans un but parodique et humoristique.

l'interaction.

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Qu’est-ce qu’une œuvre interactive ?
Quelle forme prend cette interaction dans Élan et Élégie ? Et pourquoi ce choix pour cette œuvre en particulier ?
Les élèves du collège St Thomas vous proposent des réponses à ces questions !
voirlasuite
Marcel Duchamp, célèbre artiste du XXème siècle, a dit : « Ce sont les regardeurs qui font les tableaux. (…) Je donne à celui qui regarde une œuvre d’art autant d’importance qu’à celui qui la fait. » Pour lui, l’interprétation que le visiteur fait de l’œuvre
est tout aussi importante que l’intention de l’artiste.
Regarder une œuvre d’art (peinture, sculpture, photographie, vidéo, etc) serait donc déjà être actif, puisque qu’on observe, on compare, on fait des liens en fonction de sa propre expérience, des livres qu’on a lu, des films qu’on a vu, des endroits qu’on a visité, etc.
Mais les « regardeurs » vont bientôt devenir de vrais « acteurs » des œuvres d’art. À partir des années 60, les artistes réfléchissent de plus en plus à l’implication des visiteurs dans leurs œuvres. La définition d’œuvre d’art s’élargit ainsi que les techniques utilisées.
legendeyoko ono // wish trees
De nombreux artistes, comme Yoko Ono, proposent des œuvres dans lesquelles la participation du spectateur est essentielle.

L’œuvre ne s’arrête plus à la création de l’artiste, le visiteur doit la compléter, par sa présence, un geste ou une action.

Dans Wish Trees, les visiteurs sont invités à écrire leurs souhaits sur un papier et à les accrocher à la branche de l’arbre. Petit à petit, l’arbre se couvre des souhaits de centaines de visiteurs qui remplacent ses feuilles.
legendeyoko ono // wish trees

Avec l’arrivée de
nouvelles technologies,

comme la caméra portable (les premières caméras étaient énormes et difficiles à déplacer !), le magnétoscope, l’ordinateur, les appareils photo numériques, internet, les consoles de jeux vidéo, les téléphones portables, et caetera, les artistes inventent au fur et à mesure de nouvelles méthodes pour impliquer les visiteurs dans leurs œuvres.
Capteurs de mouvement, géolocalisation, caméras infrarouges, clavier ou encore manettes offrent de nouvelles possibilités. Le visiteur peut ainsi déclencher l’apparition de l’œuvre, mais aussi parfois modifier son contenu, ajouter de nouveaux éléments, ou en enlever.
legendePlan d'installation d'Élan et Élégie (2009)
« Nous questionner sur la position de chacun d’entre nous par rapport à nos Utopies »
Dans Élan et Élégie, des projecteurs infrarouges sont disposés à différents endroits de la salle. Leur faisceau est capté par une caméra, qui détecte la présence du visiteur quand il les traverse, ce qui déclenche le mouvement dans l’image vidéo.
Plus il y a de mouvement dans la salle, plus le mouvement de la foule s’accélère dans la vidéo. Ici pas d’action particulière à effectuer, la simple présence du visiteur dans la pièce déclenche la marche. La présence de chacun d’entre nous
compte face à l’œuvre, car elle se fige si les visiteurs sont immobiles. Ce choix technique permet d’illustrer un principe simple : ensemble, on est plus fort. L’interaction ici montre la force du collectif et du mouvement par opposition à la solitude et à l’immobilisme,

et implique le visiteur dans la marche qui se déroule face à lui.

Le dénouement reste incertain... À chacun d’entre nous de l’imaginer, de le projeter.

Œuvres interactives,
autres exemples.

legendel'empire // Aurélien Vernhes-Lermusiaux, 2012
Installation interactive, Production : Le Fresnoy, studio national des arts contemporains
Dans l’installation interactive L’empire, le visiteur est face aux ruines de Gunkanjima, île japonaise minuscule (480 mètres de longueur pour 160 mètres de largeur) possédant un important gisement de houille exploité de 1890 à 1974. Entièrement urbanisée pour accueillir les mineurs et leurs familles qui vivaient sur place, l’île est aujourd’hui une ville fantôme. L’artiste Aurélien Vernhes a filmé cette île.
Les images sont projetées sur un grand écran au pied duquel est installé une Kinect qui capte l’image du visiteur et ses mouvements. Lorsqu’il entre dans la pièce, l’ombre du visiteur dévoile une image du bâtiment quand il était encore intact. On imagine alors à quoi pouvait ressembler l’île auparavant. Plus il y a de visiteurs face à l’écran, plus il y a d’ombres, et plus l’île retrouve son état initial sous nos yeux.
legendeThierry Kuntzel, The Waves // Installation vidéo interactive, couleur, sonore (2003)

Dans The Waves, installation interactive de Thierry Kuntzel, le visiteur, comme dans Élan et Élégie, « règle, dérègle la vitesse, par sa position dans l'espace. ».

Mais dans Élan et Élégie, l’avancée du visiteur produit le mouvement de l’image, alors que l’inverse se produit dans l’œuvre de Thierry Kuntzel. « Les vagues ralentissent au fur et à mesure de la progression vers l'écran, jusqu'à l'immobilisation en une photographie noir et blanc privée de son. » (Thierry Kuntzel). On ne peut donc admirer la vague en mouvement que de loin, elle se fige dès qu’on s’en approche.
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la marche.

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Quand on se retrouve au milieu d’une foule, marcher peut devenir un moyen d’expression, un geste politique.
Les élèves du collège St Thomas évoquent plusieurs marches, réelles ou fictionnelles, auxquelles Élan et Élégie leur fait penser.
voirlasuite
Élan et Élégie est le titre d’une installation interactive créée par l’artiste chilienne Lorena Zilleruelo en 2009.
L'œuvre est basée sur un tableau de Giuseppe Da Volpedo, Il quarto Stato (Le quatrième État), peint en 1901. Symbole de la lutte pour les droits du travail, le tableau de Da Volpedo a été particulièrement repris au Chili, en écho au massacre de Santa Maria en 1907, où des mineurs se sont révoltés contre leurs conditions de travail et de vie.

Je crois que c’est dans
l’œuvre d’art que l'Utopie
peut prendre racine.

― Lorena Zilleruelo

Lorena
Zilleruelo

est née en 1974 à Santiago, la capitale du Chili, un an après l’arrivée au pouvoir du dictateur Pinochet. Grandir durant la dictature dans un milieu engagé et opposé au régime lui a donné une grande conscience politique et sociale, qui se traduit depuis toujours dans son travail artistique, et notamment dans Élan et Élégie. Avec cette œuvre, l’artiste souhaite nous interroger sur nos utopies, c’est-à–dire les sociétés idéales que nous imaginons.
Selon Lorena, l’utopie est liée à l’adversité : elle naît de « l’âme blessée par la douleur sociale ». La figure centrale de cette image - l’ouvrier – évoque les luttes sociales menées depuis l’arrivée de l’ère industrielle. Les ouvriers sont réunis dans un hangar abandonné où ils marchent ensemble, vers nous.

Marcher est un mouvement artistique, politique d’interroger le monde tel qu’il est, de s’y intéresser, de le transformer d’une manière infra mince à partir des actes, des gestes frappants.

― Lorena Zilleruelo
legendeManifestation de travailleurs à Iquique, Chili, 1907

Nous avons tous vu des images des manifestations :

ces rassemblements expriment la solidarité du peuple face aux injustices sociales et politiques. Alors que les manifestants pourraient rester immobiles, la plupart des manifestations se font en marchant.
Lorena Zilleruelo affirme que la marche est un acte d’émancipation.
legendemahatma gandhi // la marche du sel (1930)
legendemartin luther king // la marche sur washington (1963)
La marche du sel de Mahatma Gandhi en 1930 et la marche sur Washington pour l’égalité des noirs et des blancs de Martin Luther King en 1963 n’en sont que deux exemples. Réunir des milliers de personnes pour une cause commune lors d’une marche est un acte simple et pacifique,

mais très fort
symboliquement.

On retrouve l’image de la marche d’un peuple dans de nombreuses œuvres d’art, comme le célèbre tableau La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix (1830). L’artiste a réalisé ce tableau suite à la révolution des Trois glorieuses en juillet 1830.
legendela liberté guidant le peuple // eugène delacroix (1830)
D’autres brouillent les pistes entre les actes de création et de résistance politique, comme cette œuvre de 1970 de la danseuse et chorégraphe américaine Yvonne Rainer.
Intitulée Street Action (action dans la rue), cette œuvre a été conçue pour contester l’invasion du Cambodge par les forces militaires américaines. Des gens marchent en trois colonnes, la tête baissée. Ici, les gestes ont été prévus à l’avance par l’artiste : il s’agit d’une chorégraphie.
legendeyvonne rainer // street action (1970)

La marche est comme une danse. C’est la différence avec une manifestation classique, où les gestes des participants sont aléatoires et spontanés.

Lors de la réalisation d’Élan et Élégie, Lorena Zilleruelo a travaillé avec un chorégraphe pour concevoir les gestes des personnes en marche. Ceux-ci ne se produisent pas tous au même moment. Ils se succèdent, de la même manière qu’un canon en musique. Ainsi, face à l’œuvre, le regard se déplace d’un endroit à un autre en suivant les gestes, sans qu’on s’en rende compte.
legendeles frères lumières // La sortie de l’usine lumière à lyon (1895)
Élan et Élégie peut aussi rappeler un des tout premiers films de l’histoire du cinéma, La sortie de l’usine Lumière à Lyon des frères Lumières. Tourné en 1895, le film montre les ouvriers au moment où ils quittent l'usine. Le contexte est donc différent ici, car les ouvriers sont montrés à la fin d’une journée de travail et ne sont pas en train de manifester pour leurs droits ou leur liberté.
Toutefois, il ne s’agit pas d’un vrai documentaire filmant le quotidien, car les Frères Lumières ont demandé aux ouvriers et ouvrières de revenir le dimanche. Ils portent alors

leurs plus beaux vêtements, pas leur tenue de travail.

legendePendant la COP21 en novembre 2016, les manifestations étaient interdites en raison de l’état d’urgence. Des chaussures posées sur la place de la République représentaient toutes les personnes souhaitant s’engager pour le climat.
Photo : AFP
Toutefois, se mettre en mouvement pour une utopie n’est pas forcément manifester. Se mettre en marche pour changer la société peut aussi se faire par de petits gestes au quotidien, modifier ses habitudes, s’engager dans une action en laquelle on croit. La marche représentée dans Élan et Elégie est alors la métaphore d’une volonté de changement, pas une fin en soi. Les formes que peuvent prendre cet engagement sont infinies.
legendeL’équipe des acteurs en répétition sur le tournage d’Elan et Elégie.
Photo : Julie Cohen

son et mouvement.

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Le son est très important dans l’expérience faite par les spectateurs de l’installation Élan et Élégie.
Deux jeunes filles nous racontent, comme un conte, leur découverte de l’œuvre.
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Moyen d’expression des exclus sociaux, l’élégie métamorphosait la plainte en un chant apte à retourner la souffrance contre elle-même, le malheur en bonheur, la mort en vie. ― Lorena Zilleruelo

Une élégie est une forme de poésie en vers.

Chez les grecs, elle était chantée. Mélancolique, évocatrice d’un mort (le mot signifiait « chant de deuil » en grec), éloge mélancolique en hommage à un disparu, une élégie peut aussi être employée pour exprimer une plainte, une souffrance. Sobre, calme, cette forme de musique peut amener celui qui l’écoute à évacuer une tristesse.

Ici, l’artiste ne propose pas un chant, mais deux morceaux de musique :

le fredonnement d’une jeune fille a capella, et un morceau de contrebasse. Cet air est connu de l’artiste, il s’agit d’un morceau populaire qu’elle a entendu chanter lors de manifestations. Le fredonnement évoque un souvenir enfoui dans la mémoire, que l’on essaye de se remémorer.

Les mouvements des personnages eux-mêmes ont quelque chose de rythmique, et ont été pensés comme un canon.

legendeDIAPORAMA
01. Le chorégraphe comme chef d’orchestre
02. LE CHORÉGRAPHE DIRIGE LES MOUVEMENTS PENDANT LE TOURNAGE
Photo : Julie Cohen
Le canon est une forme musicale arrangée autour d’une même ligne mélodique, interprétée par plusieurs personnes. Une voix commence une chanson, petit à petit d’autres voix se joignent à la première, en décalé. La comptine Frère Jacques est un exemple célèbre de canon musical. Ainsi, on peut dire qu’un canon existe uniquement à travers le rassemblement des personnes qui l’interprètent. Afin de permettre au spectateur de percevoir les mouvements de chacun des personnages, ceux- ci ont été pensés par petits groupes.

Leurs gestes se font en décalé, permettant ainsi au regard du spectateur de se déplacer d’un groupe de personnage à l’autre et de se focaliser sur un ensemble de geste.

Si tous les personnages bougeaient en même temps, l’œil ne saurait plus où se poser.
legendeSchéma pour la répartition des mouvements des personnages.
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la création de l’œuvre.

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Les personnages d’un tableau nous racontent ici l’histoire de leur création. Des adolescents évoquent les images déclenchées par la découverte d’Élan et Élégie ; d’autres s’interrogent sur le rôle qu’une œuvre d’art peut avoir sur leur présent et leur avenir. Ces questions trouveront-elles un écho chez vous ?
voirlasuite

Lorena Zilleruelo a quitté le Chili
à 18 ans
pour venir en France.

D’abord attirée par le théâtre, elle entre finalement à l’école des beaux-arts de Grenoble et Paris-Cergy, puis au Fresnoy - Studio national des arts contemporains à Tourcoing, où elle a été étudiante de 2007 à 2009.
Le Fresnoy est une école d'art particulière, puisqu’elle est spécialisée dans les techniques de la photographie, de la vidéo et de ce que l’on appelle les nouveaux médias.

Elle incite les artistes à créer des œuvres qui intègrent
des technologies innovantes

C’est dans ce cadre que Lorena a pu réaliser une installation interactive captant les mouvements du visiteur.
legendeDancing de l'ancien Fresnoy dans les années 20,
aujourd’hui espace d’exposition « Grand nef »

L’école est installée à Tourcoing dans un immense bâtiment datant de 1907, Le Fresnoy, qui a été longtemps un lieu de loisir pour les ouvriers des usines textiles de Roubaix et Tourcoing.

On venait y danser, draguer, écouter des concerts, admirer des matchs de catch, ou même voir des films dans l’immense cinéma qui était à l’époque la plus grande de la région. Après avoir été fermé durant plusieurs années et laissé à l’abandon, le lieu revit en 1997

avec l’ouverture de cette école d’art unique, dans un bâtiment agrandi par l’architecte Bernard Tschumi.

Aujourd’hui, Le Fresnoy accueille un immense espace d’exposition, un cinéma, une médiathèque, et de nombreux équipements audiovisuels professionnels : un plateau de tournage, des salles de montage vidéo, des studio d’enregistrement, un auditorium de mixage, un laboratoire photographique, un atelier décor, etc…
legendeDIAPORAMA
01. Vue nocturne du Fresnoy.
02. La structure de l'architecte Bernard Tschumi.
03. La salle d'étalonnage.
Photos : Marc Domage
Le cursus du Fresnoy se fait en deux ans. Chaque année, les artistes doivent réaliser une œuvre présentée en fin d’année dans le cadre d’une grande exposition nommée Panorama. Ces œuvres peuvent être des séries photographiques, des court-métrages, des installations vidéo, des sculptures numériques, ou bien d’autres choses encore.

L’imagination des artistes n’a pas de limites.

En première année, Lorena avait réalisé un court-métrage. Intitulé Ici c’est ailleurs, ce projet s'est construit autour des rencontres avec de jeunes immigrés récemment arrivés en France, scolarisés dans le collège Albert Samain à Roubaix.

« Je leur ai demandé, par exemple, d'écrire une lettre à un ami, de sentir l'odeur des épices et de m'en parler, de photographier un objet cher rapporté de leur pays, etc. Pendant cette période, j'ai accompagné et enregistré par l'image et le son, le chemin d'assimilation d'une
nouvelle culture. J'ai travaillé sur la mémoire de chacun de ces adolescents, de leurs ailleurs personnels et aussi du présent ici en France. Le film veut être une approche poétique qui parle de l'altérité, l'ailleurs et la rencontre profonde de l'immigré avec le pays d'accueil. »
legendeici c’est ailleurs // Lorena zilleruelo
visionner le film sur Vimeo
Au Fresnoy, la première partie de l’année des artistes étudiants est consacrée à l’élaboration de leur projet. Avant de se lancer dans la réalisation pratique, il faut savoir ce qu’on va faire !
Les étudiants du Fresnoy doivent donc réaliser un dossier détaillé dans lequel ils présentent leur projet. Des équipes de professionnels présents au Fresnoy leur donnent des conseils sur les aspects artistiques et techniques de leur proposition. Le Fresnoy fournit aux étudiants un budget pour réaliser leur projet.
Tous les aspects doivent être anticipés. Combien coûtera la création de tel costume, tel élément de décor, faut-il louer une salle pour un tournage ? Dans le cadre d’un film, il faut également penser à l’embauche des techniciens qui seront nécessaire. On ne l’imagine pas forcément, mais

la création d’une œuvre est aussi un travail d’équipe !

legendeDIAPORAMA
Tournage de la séquence d'Elan et Elégie.
Photos : Julie Cohen
Dans le cadre de son projet Élan et Élégie, Lorena a travaillé avec un chorégraphe pour les déplacements des personnages, une cameraman pour la prise de vue, un programmeur pour le développement de l’interactivité, un ingénieur son, des musiciens, etc. C’est ce travail collectif, dirigé par Lorena comme par un chef d’orchestre, qui permet de donner vie au projet.

En juin 2009, Élan et Élégie est présentée pour la première fois dans l’exposition Panorama 11. L’œuvre est achevée, son parcours ne fait que commencer !

legendeExposition Panorama 11.
Un archipel d'expériences, été 2009

la diffusion.

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Du souvenir personnel à la commémoration historique, des adolescents discutent. Une œuvre d’art peut-elle nous aider à comprendre l’Histoire ? En fond, une interview radio de l’artiste Lorena Zilleruelo. Faut-il connaître le contexte d’une œuvre pour la comprendre ? Que ressent l’artiste quand son œuvre la quitte ? Pendant ce temps, des élèves se demandent si l’on est obligé d’apprécier une œuvre d’art.
voirlasuite

Après la création d'une œuvre dans un lieu de production comme le Fresnoy, dans un atelier, ou dans la chambre d’un artiste, que lui arrive-t-il ? Comment la faire connaître au plus grand nombre, comment faire en sorte qu’elle soit vue par un public ?

Heureusement, il existe de nombreux endroits pour faire vivre les œuvres.
Les musées bien sûr, mais aussi des structures associatives, des galeries, des centres d’art, ou encore les FRAC. Ce nom étrange est une abréviation pour Fonds régional d’art contemporain.
carte des frac
legendeCarte des 23 FRAC // ©Laure Giletti

Depuis 1982, il existe un FRAC dans chaque région de la France,

dont le Nord - Pas de Calais. L’idée était de montrer des œuvres d’art contemporain partout en France et pas uniquement à Paris où toutes les expositions étaient concentrées. Tous les FRAC ont les mêmes missions principales : rassembler au fil des années une collection d’œuvres représentatives de la création artistique d’aujourd’hui, mais aussi diffuser ces œuvres dans toute la région et ailleurs, et concevoir des actions pédagogiques autour de la collection

pour sensibiliser le public à l’art contemporain.

Souvent, on parle des FRAC comme de «collections nomades»,

d’où la différence première entre un FRAC et un musée, qui lui aussi prête ses œuvres, mais qui a surtout une mission de conservation de sa collection et une programmation au sein de son propre bâtiment.
legendel’équipe de régie accroche une œuvre au FRAC/AP2

Alors comment Élan et Élégie s’est-elle retrouvée dans les collections du FRAC Nord - Pas de Calais ?

Plusieurs fois par an, un comité composé d’experts de l’art contemporains et le directeur ou la directrice du FRAC se réunit afin de proposer des œuvres qu’ils aimeraient acheter pour les faire entrer dans la collection. Le conseil d’administration valide ensuite ou non cette proposition.
La directrice du FRAC avait vu l’œuvre de Lorena exposée au Fresnoy et avait eu un coup de cœur pour son travail. Élan et Élégie est ainsi devenue la première installation interactive à rejoindre les collections du FRAC, qui comportait déjà des œuvres aussi diverses que tableaux, sculptures, photographies, vidéos… Pour un jeune artiste, faire partie d’une collection comme celle d’un FRAC est

une reconnaissance importante et peut aider à lancer leur carrière.

On comprend bien que pour un tableau ou une sculpture, le musée ou le FRAC achète pour sa collection un objet, quelque chose de physique et concret. Dans le cas d’Élan et Élégie, qu’achète-t-il ?
Concrètement, l’installation est composée d’une image projetée sur un grand mur depuis un vidéoprojecteur relié à un ordinateur. Il faut aussi des enceintes pour diffuser le son de la vidéo, et des projecteurs LED infrarouges et des caméras pour capter les mouvements du visiteur.
moyens projet
legendeFiche technique de diffusion de Élan et Élégie (2009)
En achetant Élan et Élégie, le FRAC n’a donc pas acheté une grande pièce dans laquelle Élan et Élégie serait projetée pour toujours, il a acheté le droit de recréer l’installation dans différents espaces à partir d’un matériel et d’une fiche technique très précise, et bien sûr les fichiers numériques de la vidéo. C’est ce qu’on appelle une œuvre à protocole. A partir du moment où certaines contraintes souhaitées par l’artiste sont respectées (par exemple la taille de l’écran, ou le fait que la pièce doit être plongée dans l’obscurité),

le FRAC peut présenter Élan et Élégie n’importe où. Cela pourrait même être dans une salle de classe !

Dans ses réserves, les grandes salles où sont entreposées les œuvres de sa collection, le FRAC conserve donc uniquement les éléments qui constituent l’œuvre, le matériel technique pour la présenter, ainsi que les directives pour la réaliser de nouveau.
legendeLes réserves du FRAC Nord–Pas de Calais
legendeLe FRAC/AP2 à Dunkerque

Autrefois nomade, la collection du FRAC Nord - Pas de Calais est aujourd’hui abritée dans un nouveau bâtiment à Dunkerque,

ouvert au public depuis novembre 2013. On l’appelle le FRAC / AP2, car il est adossé à l’ancien Atelier de préfabrication n°2 des Chantiers navals de France de Dunkerque, fermé en 1987. En plus des réserves, le bâtiment abrite des espaces d’exposition, des salles pour les ateliers pédagogiques et des bureaux pour les nombreuses personnes qui travaillent au FRAC.
legendeLes visites des expositions font partie des activités de la médiation au FRAC
L’équipe du FRAC regroupe de nombreux métiers : l’administration (direction, comptabilité et secrétariat), la coordination des expositions (dans leur propre bâtiment et en région), la régie du bâtiment et des œuvres, la gestion de la collection, l’accueil des publics et la médiation.

On appelle médiation le lien entre l’œuvre et le public. C’est l’équipe de médiation qui conçoit des actions pédagogiques autour de la collection. Cette équipe est aussi présente dans les salles d’exposition, afin de renseigner le public et répondre à leurs questions.

Leur rôle est avant tout d’amener le visiteur à sa propre interprétation des œuvres.

Comme l’a dit l’artiste Marcel Duchamp « Ce sont les regardeurs qui font les tableaux ». Le travail de la médiation, au FRAC comme au Fresnoy, consiste donc à amener les visiteurs à faire naître et à développer ce regard sur les œuvres, à forger ses goûts. Cela signifie aussi s’autoriser à ne pas apprécier certaines œuvres.
legendeMarcel Duchamp

L’art n’est jamais aussi riche que quand les idées s’entrechoquent et mènent à la discussion !

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